Anatomie de la lettre. Par Lucile Gailliard.

Calligraphe en herbe et traductrice de formation, Lucile Gailliard relève parfois le nez de ses lignes d’écriture pour en étudier la terminologie.

 

Observons ce pied de la lettre d’un peu plus près… Vous n’imaginez pas tous les termes calligraphiques qui s’y cachent, des termes apparus il y a plusieurs centaines d’années, mais toujours bien vivants dans les ateliers des calligraphes chargés de créer des typographies personnalisées pour leurs clients. Souvent numérisée à l’âge adulte, la lettre n’en continue pas moins de naître sur le papier. Promenons-nous dans les bois de la calligraphie…

 

Au commencement de la lettre était le fût, c’est-à-dire la barre verticale. Le petit trait qui semble aspirer le haut des fûts vers la gauche s’appelle l’apex (pluriel : apices[1]. A l’autre extrémité des fûts, l’élargissement horizontal qui semble arrimer les lettres dans un socle (au bout du p, par exemple) s’appelle l’empattement (*) ou simplement le pied [2].

 

Si le trait horizontal, du t par exemple, s’appelle bien une barre, on parle en revanche de haste pour désigner les prolongements vers le haut [3] et de hampe pour désigner les prolongements vers le bas [4]. Quand la hampe se termine par une courbe au lieu de rester droite, comme c’est le cas pour le j, on privilégie le terme de jambage.

 

S’agissant des lettres rondes comme le p ou le d, on dit qu’elles ont une panse [5]. La panse sera plus ou moins farcie selon la quantité de graisse des lettres, c’est-à-dire l’épaisseur des pleins. Rappelons à cette occasion que le plein est la partie épaisse d’une lettre, par opposition au délié, qui en est la partie fine.

 

La graisse n’est pas le seul paramètre qui détermine l’allure filiforme ou ramassée d’une écriture. Le rapport modulaire, c’est-à-dire le rapport entre la hauteur et la largeur des signes, joue un rôle important.

 

Enfin, la hauteur de corps [6] est le nombre de becs de plume qu’il faut pour obtenir la hauteur d’un « a » minuscule, c’est-à-dire la hauteur de la portée [7] sur laquelle on écrit. Un bec de plume [8] est l’épaisseur du plein maximum, autrement dit l’épaisseur du trait qu’on obtient quand la direction du tracé est perpendiculaire à la ligne que forme l’extrémité de la plume.

 

« Il n’est aucun art qui ne soit assujetti à des règles & à des proportions que le bon goût a fait éclore & que l’usage a consacrées. Celui de l’écriture en a de moins compliquées que les autres ; tout s’y mesure par corps & par becs de plume, & c’est de la précision & de la justesse que dépend la régularité des caractères. » (l’art de l’écriture, Encyclopédie de Diderot et d’Alembert, 1763).

 

(*) Note : ce dernier mot se dit serif en anglais, donc « sans empattement » se dit sans serif : voilà pourquoi certaines polices de caractères sont dites « sans serif ».

 

Sources : Mediavilla Claude, Calligraphie, Imprimerie nationale Éditions, 1993 ;

Schuwer Philippe, Dictionnaire bilingue de l’édition (anglais / français), Éditions du Cercle de la librairie, 1993.